28 février 2012
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C'est entre gelée blanche et rosée. C'est comme posé sur l'herbe, comme une revanche face à une colère de déesse. Tu as fait le monde, tu en es fière, mais moi je sais lui apporter cette touche d'élégance, de pureté dont la délicatesse t'est étrangère. Je te montre tes limites. J'apporte ce supplément de grâce à l'évidence de ta force. Mais pour quelques instants seulement. Juste pour que tu ne m'oublies pas. Ton père effacera vite mes traces, en gardien vigilant du royaume terrestre. Mais je reviendrai, obstinée. Je reviendrai raviver tes remords jusqu'à la fin des temps. Bien que tu aies tout fait pour que mes frères humains me rejettent, je couvrirai leurs matins de bonheurs d'arantèles.
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Là, devant le vert de la prairie, au moment d'appuyer sur le déclencheur, j'ai en tête une mélodie qui me fait encore frissonner. Je ne l'avais pas entendue depuis longtemps, cette chanson. Et puis hier après-midi, je l'ai retrouvée, redécouverte, en découvrant la talentueuse Katrin' Waldteufel. Ma mémoire avait associé cette mélodie au vieux Léo, au point que j'en avais oublié que les paroles sont d'Aragon. J'avais le souvenir d'un nappage de cordes dans la puissance et la force. J'ai découvert la force fragile d'un violoncelle. Une voix féminine pour dire la tragédie. Ça n'a rien à voir avec les herbes vendéennes, et pourtant ce matin ça s'impose. Peut-être la concordance du temps, un presqu'anniversaire ? Mais surtout la belle fraternité d'un thème, de paroles et d'une musique pour le porter. 
Ciel, mon dimanche. Il y avait, sur le chemin de la photo, un chat tout en haut du bouleau, entouré d'oiseaux goguenards. Ici, chacun est responsable de ses actes, humains comme animaux, alors qu'il assume. 
Contre-offensive de l'arbre. Il revendique l'antériorité. Dans les temps originaux, c'est pour laisser un espace de vie à leur rejeton que ses parents, la Terre et le Ciel, acceptèrent de desserrer leur étreinte. Depuis, des radicelles à la canopée, c'est lui qui unit le souterrain à l'éthéré, l'homme aux dieux, le corps à l'esprit. Il grandit en s'exposant. Sa force se fonde sur l'équilibre entre l'orizontal de ses racines et le vertical de son tronc. Rien de secret dans son combat contre les éléments. Il capitule parfois, mais sait renaître de sa dépouille.Qu'il casse ou qu'il plie, il fait front, il assume le combat avec panache. Qu'il se dénude ou qu'il opte pour la permanence, il traverse les saisons, il balise les ans, il est l'amer du temps. Belle allégorie du courage. 
Rhizome. Son horizontalité l'assimile à une racine, mais c'est une tige. Horizontale et souterraine, porteuse elle-même de racines, de bourgeons qui donneront à leur tour des tiges aériennes. Le rhizome sait se faire oublier, occuper le terrain dans l'indifférence, le secret, pour ressortir, bien accroché, quand il le juge utile. Vous coupez ses tiges aériennes, il n'en est pas détruit. Au contraire, il se regénère de ces amputations et s'en fortifie pour ressurgir plus dense, plus solide. Dans rhizome, on entend réseau. Contre-pouvoir. Force des solidarités de classe contre la verticalité des hiérarchies. On entend aussi mauvaise herbe, celle qui rend fou le jardinier obnubilé par le propre, le lisse, le tiré au cordeau. Contre le rhizome, même la Kalachnikov du désherbant est d'une efficacité aléatoire. Belle allégorie de la résistance. 
J'ai évoqué hier Emmanuel Jaffelin. En ce matin humide et gris, je lui laisse la parole : "Dans Mille plateaux, Deleuze oppose les rhizomes aux arbres, les premiers poussant par tous les bouts de manière horizontale, les autres s'élevant selon un axe vertical. Le philosophe de Vincennes voit dans cette opposition deux manières pour la vie de se manifester, qui se sont illustrées dans deux formes de pouvoir : l'arbre serait du côté de l'ordre et de l'autorité, le rhizome de celui du désordre et de la liberté." (Éloge de la gentillesse, François Bourin éditeur) 
Promesse d'une belle journée / suite. C'est quoi une belle journée ? Est-ce que ça se limite à la couleur du ciel ? C'est au bilan du soir que l'on peut dire que la journée fut belle. Pour certains, ça aura été une journée sans douleur nouvelle, sans nouvelle qui ne pouvait être que mauvaise, sans alerte ni sollicitation. Belle journée de survie. Pour d'autres une journée de rencontres, de découvertes, de débats, de confrontations, d'émerveillements. Belle journée d'énergie. Pour le plus grand nombre, simplement une journée de sourires échangés, de petits trucs partagés, de simples solidarités du quotidien, cette "morale impressionniste" que développe Emmanuel Jaffelin*. A chacun son ciel de vie. Que votre journée soit belle. 
Promesse d'une belle journée / Pause / Ce matin, modification dans le cadre. Conséquence d'une transplantation effectuée hier, dans le cadre d'un réaménagement du jardin. Certains crieront à l'inconscience : la sainte-Catherine est passée depuis bien trop longtemps, et cet arbuste, que l'on m'a donné sous le nom de cassis-fleur, est l'un des plus précoces du jardin. Mais c'était la transplantation ou la jaille, comme on dit en Bas-Poitou / région nantaise en référence au seigneur éponyme, à ce que l'on prétend. 
Promesse d'une belle journée. C'est quoi, une belle journée ? La présence du soleil est-elle suffisante, nécessaire, indispensable ? Rien à voir avec la température : les froides journées d'hiver sont belles, dans la parole populaire. Belles si le froid est franc, comme la chaleur, comme le soleil. Franc, affirmé, présent du matin jusqu'au soir (ce qui est rare en nos contrées océaniques). Les franches journées de pluie, de brouillard, de vent ne sont jamais qualifiés de belles. Souvenirs et angoisses de dangers, de tempêtes, de crues ? Chez nous froid, chaleur et soleil ne sont jamais extrêmes, alors que pluie et vent peuvent être cause de mort et de destructions. Est-ce à ce point inscrit dans la conscience ? Mais ne boudons pas notre plaisir : ce sera une belle journée d'hiver. Il faut en profiter, on ne sait pas de quoi demain sera fait. 
Lumière rasante. Chaque touffe d'herbe s'affirme, chaque feuille morte s'enchante. Éclairage bien orienté, bon angle d'attaque. L'anonyme, le multiple, le banal, qui reste le plus souvent dans l'ombre, peut aussi se magnifier dans la lumière. Mais ce n'est pas lui qui tient le projecteur. Dans un cas comme dans l'autre il ne fait que sublir. Et derrière la main de l'éclairagiste, il y a toujours une intention. Focaliser sur le petit, le sans voix, ça fait joli sur la photo, ça séduit. Mais le sujet reste sujet et s'il devient objet, c'est celui des convoitises du régisseur. Ne pas se laisser aveugler par la manupulation. Vigilance.