Le haïku du mois :
Matin ordinaire :
Pic-verts, merles et moineaux
Fêtent la musique.
tantvaletemps
Une photo. Chaque matin, une photo prise au même endroit. Pour témoigner des modifications imperceptibles, inéluctables, du temps qui passe et du temps qu'il fait. Il y aura bien quelques jours ailleurs, voire quelques jours sans. Ainsi va le temps, dans cet espace de liberté qu'il laisse aux hommes, certain qu'il est d'avoir le dernier mot. Quelques mots. Pour dire les humeurs, les colères ou les plaisirs, le rythme des pensées qui ne se contraint pas à suivre le rythme des jours. (extrait de Jour 1)
Ce projet a duré "en temps réel", du 1er janvier au 31 décembre 2012. Les articles de 2013 sont des retours sur les jours ailleurs de 2012.
Le haïku du mois :
Matin ordinaire :
Pic-verts, merles et moineaux
Fêtent la musique.
Ça rit dans l'humide. Juste le temps de la photo. Le temps d'une déchirure dans le gris. Le temps d'une touche de lumière sur le tronc des arbres et le cuir des animaux. Le temps d'une apparition furtive, dont la chaleur aveugle. Dans quelques instants le rideau se sera refermé, les ombres se seront dissipées. Le show aura été éphémère. Ce matin le soleil a des pudeurs.
Ça hésite. Plombé de gris au levant levé, déchiré de bleu dans mon dos. De quel côté ça va pencher ? Côté lumière, ou côté obscur ? Si le saint du jour est Romuald, les dictons ont conservé l'ancien, Gervais. La pluie de Saint-Gervais fait le pain mauvais ou bien S'il pleut à la Saint-Gervais, pour les blés, signe mauvais. Jour de fin de printemps. Cette année, jour de lune nouvelle. Cette conjonction aura-t-elle une incidence ? Les heures à venir ont la réponse.
Le 19 juin 1790, on penchait du côté de la (des) lumière(s) : L’Assemblée nationale décrète que la Noblesse héréditaire est pour toujours abolie, qu’en conséquence, les titres de Prince, de Duc, de Comte, de Marquis, de Vicomte, Vidame, Baron, Chevalier, Messire, Écuyer, Noble, et tous autres titres semblables, ne seront ni pris par qui que ce soit, ni donné à personne. Ah, ça ira...
Matin d'après l'orage. Il reste quelque chose de la fureur de la nuit dans l'apaisement tendu de la nature. Cette crispation de la végétation, comme s'est crispée la peau dans la fraîcheur gorgée d'humidité. Cette dureté dans les verts les plus sombres. Cette violence crue dans ceux de la prairie. Comme une vigilance face aux éléments. Il faudra toute l'énergie du soleil pour détendre le paysage.
Ils se rasssemblent le dimanche, dans un lieu isolé, proche d'un repère connu de leur seule communauté, sous prétexte de partager un repas. Ils ont maintenant quitté l'enceinte des villes pour une occupation diffuse des campagnes. Infiltrer leur groupe est quasi impossible tant leurs codes sont complexes. Du groupe, observé de loin, s'échappe comme une rumination discrète. Impossible de connaître la teneur de leurs propos. S'agit-il d'une commémoration, d'un rituel ésotérique ? ou bien cette assemblée étrangement feutrée cacherait-elle des intentions moins avouables ? Quels complots se trament ? de quels moyens disposent-ils ? pour atteindre quels objectifs ? Une vigilance s'impose. Il semble indispensable de circonscrire leur territoire, d'accroître leur surveillance, d'intensifier leur fichage.
Vous ne les voyez pas mais ils s'affairent dans la haie. C'est un matin à escargots. Un matin à lumas. Nous sommes samedi, jour de chronique de Jaulin dans Ouest-France. Ce matin, justement, il s'émerveille devant les lumas. Les dix heures de leur étreinte amoureuse. La nécessité, pour les hermaphrodites qu'ils sont, de dextérité et d'attention à l'autre afin de s'emmêler les appendices. Ainsi donc les lumas ont beaucoup à apprendre aux humains, en matière de cha ptit amoureux. C'est un matin de juin, humide et frais, qui incite à retourner sous la couette. Et à en reprendre pour dix heures.
Le troupeau joue la symétrie autour du poteau électrique. Il y a un premier ensemble, majoritaire et quasi circulaire, puis, aussi bien vers la gauche que vers la droite, des individus isolés, tournant le dos (la queue) à leurs congénères. Est-ce une suite au regard furtif de la meneuse, hier matin, une volonté bovine de pose organisée ? Ou bien avons-nous affaire à la secte des adorateurs du mât de béton ? Ne me dites pas que c'est juste le hasard, il n'y aurait plus place à la fantaisie ni à l'imaginaire.
Elles sont revenues dans le champ. J'ai essayé d'être le plus discret possible, et elles sont loin. Pourtant, l'une d'elles a relevé la tête, et m'a aperçu. Aussitôt elle s'est arrêtée de brouter pour fixer, curieuse, cette forme curieuse qui, elle aussi, a cessé sa progression. Les autres ne se sont aperçu de rien. L'épisode a été trop éphémère pour générer une réaction collective. J'imagine, plus d'un siècle en arrière, l'installation de la chambre, la mise en place des plaques, la tête du photographe sous le rideau, le troupeau qui s'avance, et le photographe qui redoute le flou du mouvement... J'imagine, et je quitte mon point d'observation. Sans doute, dans mon dos, mon abservatrice a-t-elle repris son activité alimentaire. Le temps passé devant l'écran ne la concerne pas.
La revanche du vert. Au-delà de la prairie, sur la pente de la colline, les cultures ont mangé la terre des guérets. Les maïs ont d'abord été timide pointillé, ils se sont maintenant affirmés en lignes épousant les courbes du relief et l'on sent déjà leur désir d'épanouissement. Une décade de pluies régulières et de relative fraîcheur ont fortifié le végétal. Il s'en est gorgé, s'est enraciné avec entrain dans le meuble du sol. Il attend maintenant le réchauffement de l'air pour se lancer à l'assaut du ciel, vivre l'éphémère de ses jours, assurer l'avenir de son espèce avant de retourner à la terre pour la régénérer. L'homme est là, qui veille au grain et au gain. Un peu trop impatient parfois, un peu trop gourmand. Mais la nature sait se venger et a toujours le dernier mot.
Le fermier nous a épargné l'éphémère ensileuse. De nouveau la prairie est habitée. Ils sont une trentaine, vaches et veaux, à paître dans la brume d'après l'averse. Ils sont arrivés hier, dans la journée, se sont inventés un itinéraire gastronomique, puis sont venus se mettre à l'abri sous la haie quand la pluie s'est renforcée. Les herbes gardent encore les traces de leur piétinement. Ce matin ils ont choisi le soleil, pour se sécher le cuir peut-être, ou pour la sensation, sous la langue, de l'humidité tiédie de l'herbe, allez savoir. Pour quelques semaines le pré est leur auberge. Salut les vaches, et bon appétit.