1 août 2012
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À gauche, sur la colline, vous avez repéré les rondebottes. Pour suivre sur la droite, c'est un champ de maïs. Ce matin l'arrosage fonctionne. On aperçoit, comme une parenthèse claire entre les feuillages, le rid'eau de gouttes. Ne criez pas tout de suite au gaspillage, au pompage des nappes phréatiques. C'est plus complexe. Il s'agit là, sauf erreur, d'un contrat passé entre les agriculteurs locaux et l'usine agroalimentaire toute proche pour évacuer les eaux industrielles impropres à un rejet direct vers la rivière, mais tolérées en arrosage. Pas de pompage inconsidéré, donc. Mais est-ce plus rassurant pour autant ?
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Après dissipation des brouillards matinaux. Pour l'instant ils sont calmes, ils se répandent sagement en rosée sur le sol, en voile sous le ciel. Mais bientôt ils vont se dissiper, les diables, jouer à cache-cache avec les arbres, à saute-mouton avec les ruisseaux, à 1-2-3 soleil. Ils vont prendre leur récré. Allez donc les retenir ! Aucune autorité n'a prise sur eux. Et puis, au bout de leur imprévisible sarabande, ils vont disparaître, comme ils sont venus, sans qu'on s'en rende compte. Un autre ordre prendra la relève, celui des lumières réglées au cadran, celui des ombres obéissantes. Après dissipation des brouillards matinaux. 
Légère rotation de la prise de vue. Sur la flanc de la colline la paille a été compactée hier en rondebottes. Round-baller semble être la dénomination couramment utilisée, sinon admise par l'Académie. John Deere, Claas et New Holland n'ont pas perdu de temps en traduction : le temps c'est de l'argent. Presses à balles rondes, propose Agriaffaires pour désigner l'engin de fabrication. Mais pour l'objet résultant du pressage, pas d'information. Moi je propose rondebottes. Leur taille les classe dans la catégorie des bottes de sept lieues, et la botte de paille laisse dans le dos des souvenirs piquants d'amours adolescentes. Quant à la rondeur, elle est incontestable. Je n'ai d'ailleurs jamais compris ce choix du circulaire. Il me semble qu'entasser des parallépipèdes fait perdre moins de place qu'entasser des disques, et j'ai rarement vu de granges aux angles arrondis. Mais au moins, dans les intervalles entre les rondebottes, les chattes des fermes peuvent-elles faire leurs petits en paix. 
À Sainte-Marthe, prunes mûres, bonnes tartes. La Sainte-Marthe est arrivée. Les prunes sont mûres (vous n'en voyez rien, le photographe leur tourne le dos). Les tartes seront bonnes, et la confiture aussi. Cueillir, dénoyauter, confiturer, sera le travail des jours à venir. L'an dernier on ramassait les mûres. Cette année elles sont tout juste défleuries. Ainsi vont les ans, et les confitures. Que déjà Couté chantait : 
Ce que cachent les feuilles ? 
Au milieu de la prairie une tache d'un vert impérial. C'est un chardon qui préside l'assemblée des herbes d'un vert banalement prairie. Il a survécu au passage du troupeau. Pas comestible pour les bovins. Ou peut-être s'est-il fait tout discret, retenu en terre, jusqu'à ce que les animaux quittent l'enclos. Pour l'heure il trône. Mais il a, à proximité, un concurrent redoutable. Une permanence de béton. Il s'est mis au défi de l'égaler en hauteur, certain qu'il est aujorud'hui de le dépasser par la délicatesse de sa couleur. Il y croit. Il y croît. L'autre, d'une rigidité imperturbable, en a connu d'autres, qui se sont tous asséchés de prétention. Alors il laisse faire les jours. Il ne craint pas le piquant vaniteux et saura même apprécier son épuisement pourpré. 
Thermidor n'est commencé que depuis une semaine. Cette année la chaleur s'est mise au diapason du calendrier républicain. Elle affirme sa présence dès le petit matin, lavant le bleu du ciel d'un grand coup de javel ardente. Même la fraîcheur de la haie s'est dissipée. L'air est chaud sur la peau, la terre est chaude sous les pieds. On guette le souffle de vent ravigotant. Bientôt on cherchera l'ombre, on calera arrosage et récolte des légumes sur sa présence. Au plus fort de la fournaise on vivra au ralenti. On se croira méridional. 
Du passage du troupeau il ne reste que deux abreuvoirs ronds et métalliques, à l'autre extrémité de la parcelle (ces objets ont-ils un nom particulier ? J'ai le souvenir du mot "timbre" mais je ne trouve rien dans le dictionnaire, "bassin" ou "cuve" me semblent banals). Il reste aussi, mais vous ne le voyez pas sur la photo, une clôture électrique qui sépare la parcelle en deux (nous sommes ici dans sa partie orientale). Finies les clôtures fil-de-fer. Aujourd'hui elles sont en matière plastique large et bleue. Principe de précaution, sans doute, pour avertir les visiteurs insouciants et cardiaques. À moins que ce ne soit pour éviter aux vaches et à leurs petits le désagrément d'une décharge. Mais alors doivent-elles passer un "code de la prairie" pour y paître ? 
Le haïku du mois :
Tout est calme en la prairie désertée. L'été s'installe quiètement et les mouches vezounent de l'ombre au soleil. Pourtant ça s'agite tout autour. Il était temps : les grains commençaient à germer en les épis. Maintenant que l'humidité matinale s'est évaporée, ça gronde dans les champs. Les moissonneuses ont repris leur ronde d'ogres végétariens. Ça chie de la paille au cul des machines. Ça turbine aussi sur le bitume, du champ au silo de la CAVAC. Ça fuit le grain au hasard des tapins de la route ou des bennes mal jointes. Les moineaux s'en gavent, c'est leur manne estivale. C'est reparti pour une longue journée, ça cessera quand le taux d'humidité sera trop élevé, au milieu de la nuit. Ce sont des jours d'excitation. Ce sont les jours de la moisson.