14 août 2012
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09:00
Juste une parenthèse dans le parcours matinal. Une tache claire entrevue et sitôt disparue. Reprise des occupations habituelles. Éternel recommencement du quotidien. Qu'est-ce qu'il en restera, de cette fugace rencontre ? Rien, ou si peu. Une trace en dilution dans la mémoire, vite remplacée par d'autres, plus récentes, plus fortes. Superposition des taches qui se fondent dans l'aquarelle des jours. Se mêlent les pigments des rencontres. Rassure aussi, cette palette instable : on est parmi les autres. On y vit, on en vit.
Published by Claude Burneau
13 août 2012
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Retrour du troupeau. Les petits ont pris leur distance avec les mères, avec leur pis, leur langue, leur chaleur rassurants. Ils se sont rassemblés près du poteau électrique. D'autres, moins téméraires, sont restés parmi les adultes. Petits ou grands, même application à la pâture, même régularité dans le mouvement de la langue que la tête accompagne, même obstination dans la lente progression à travers la prairie. Tout le monde semble apprécier l'herbe humidifiée par la légère pluie nocturne. Ici on paît en paix.
Published by Claude Burneau
9 août 2012
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09:51
À contre-temps. Depuis longtemps déjà les foins, première et deuxième coupe, sont engrangés ou bâchés, les blés, avoine et orge sont coupés. Les chaumes finissent de s'assécher. On a déjà labouré certaines parcelles. Le maïs, lui, poursuit sa croissance, se jauge à la taille des hommes. Il faut parfois l'aider, il a vite soif. L'arrosage fonctionne avant les grosses chaleurs. On a parfois semé sous film plastique pour emprisonner l'humidité. Alors que la végétation s'essouffle dans la lumière puissante, il affirme la force de son vert profond, il défie l'été, il attend l'automne pour tirer sa révérence à contre-temps.
Published by Claude Burneau
8 août 2012
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" Saint Dominique a souvent chaud dans sa tunique ". C'est bien ce qui pourrait lui arriver aujourd'hui, à en croire les signes matinaux (et la météo). Je remarque au passage que "Saint Dominique a souvent chaud sous sa tunique" ferait allusion à d'autres sources de chaleur, plus intimes. L'une n'empêchant pas l'autre. D'autant que dans le calendrier républicain, cette journée est appelée "Jour de la carline". Joli nom que la carline, du genre Carlina. C'est doux, il y a du câlin là-dessous. Sauf que c'est apparenté au chardon, ce qui donne du piquant à l'affaire, surtout sous une tunique. Ce qui n'empêche pas le saint du jour à la rime riche de se faire devin et météorologue : " S'il fait très chaud à la Saint-Dominique, l'hiver sera rude ". A vérifier.
Published by Claude Burneau
7 août 2012
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Il y a dans le ciel lavé, dans la lumière affermie, comme une autorisation à revivre l'été. C'est comme si le temps se calait au rythme du soleil, autorisait la balade pour le plaisir, le déjeuner sur l'herbe, la sieste prolongée. C'est comme une promesse : il ne saurait y avoir, dans les heures à venir, d'obstacle à ce qui doit s'apparenter au bonheur. À moins que le destin malfaisant s'en mêle, c'est à chacun de se glisser dans cette invite du jour.
Published by Claude Burneau
6 août 2012
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En cette période de fureur olympico-médiatique, reprendre l'idée de ces "slowlympics" berlinois à peine évoqués dans la presse. La prairie s'y prêterait bien. La course d'escargots s'imposerait, mais manquerait d'originalité. Ce serait un peu tard pour le lancer de fleurs de pissenlit. Encore un peu tôt pour le manger de mûres sans les mains. Saut de bouses, envisageable. Marathon du poteau électrique, à vous donner le tournis. Le concours de sieste à l'ombre devrait être populaire. Quant à la flemme olympique, elle éclairerait nonchalamment l'événement, et serait l'ambrassadrice idéale afin qu'il paresse mondialement.
Published by Claude Burneau
5 août 2012
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En ce jour on commémore Abel le berger, le nomade. Abel le souffle, la vapeur. Celle qui montera toujours, le matin, de la terre, comme un rappel de ces premiers peuples à l'existence précaire, autre sens du mot hébreux Abel. Abel si respectueux de la terre qu'il ne donne en offrande à son dieu que les premiers nés de son troupeau. D'où la colère de son frère le paysan, le moderne, le civilisé, celui qui a choisi la sécurité. Et, se fixant, la propriété. Celui qui a appris la jalousie. On connaît la suite. Et la suite de la suite. Quel est le vainqueur ? Les Abels continuent à être exclus mais poursuivent néanmoins leur chemin de précaires. Les Caïns se crispent sur leur confort, s'accomodant tant bien que mal de l'œil de leur mauvaise conscience. La charité ménage les scrupules. La route et le barbelé.
Published by Claude Burneau
4 août 2012
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08:34
Ça durait depuis des siècles. C'était comme cette prairie, ça paraissait immuable, inscrit dans la nature et dans le temps. Et pourtant ça s'est écroulé en une nuit. Sous le coup de la peur, à n'en pas douter. Les aristocrates à la lanterne... Si l'on avait pu continuer comme avant, à prétendre que la coutume constituait l'ordre naturel des choses, que la naissance et les droits qui lui étaient attachées était œuvre du destin... Il a suffi de quelques heures pour que tout bascule, pour que des mots tonnent un ordre nouveau : justice, égalité. Nuit du 4 août. Abolition des privilèges, dit-on dans un raccourci rapide où le mythe s'impose. Les privilèges, c'est comme cette prairie, ça évolue, ça se modifie, mais ça sait s'adapter à chaque saison. Et ça repousse.
Published by Claude Burneau
3 août 2012
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On ne glane plus sur les chaumes. Millet est au musée, le monde qu'il a peint illustre les livres d'histoire. Glaner, un des derniers gestes de cette civilisation où l'on cueillait, ramassait pour survivre. Pas de nostalgie pour les dos cassés, la recherche de quelques épis par les femmes du peuple, tâcheronnes ou cherche-pain, alors qu'une charrette pleine, la part du maître, semble narguer au bout du champ. On ne glane plus le grain, ni pour le pain ni pour les volailles. L'abondance a remplacé la disette, avec son lot de gaspillage, de grain trombé des remorques. S'il arrive de cueillir, c'est pour le plaisir, la mûre ou le cèpe. Cueillir, c'est au-delà du pot de confiture ou du velouté forestier, dans ce geste déférent immédiatement récompensé, acte de gratitude envers la nature. Comme un reste de religion païenne.
Published by Claude Burneau
2 août 2012
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09:00
Matin d'après l'averse. La nuit fut humide. Oh pas de ces trombes d'eau qui cassent feuilles et brindilles, courent sur le sol durci de sécheresse, se jettent à l'assaut des fossés et des ruisseaux. Non, rien qu'une petite averse douce. À peine un arrosage. Juste assez pour amener la maladie sur les tomates déjà bien mal en point, diront les grincheux. Une douce averse nocturne, de celles qui rapprochent les campeurs dans les sacs de couchage et font apprécier la fine pellicule de toile qui protège des gouttes. De celles qui font lever les yeux pour accompagner, avec la montée du soleil, la recomposition en bleu du ciel, guetter l'arrivée des premiers nuages, suivre leur farandole fluctuant au fil des heures, des marées et des vents. Tant qu'il ne pleut que la nuit...
Published by Claude Burneau