Si on se souvient trop, on est paralysé par la mémoire, affirme l'architecte Renzo Piano entendu ce week-end à la télévision. Contrepoint provocateur au C'est la mémoire qui fait votre identité de Voltaire. Ce matin, en écoutant la neige gelée craquer sous mes chaussures, je passe au crible mes souvenirs d'hivers. Qu'est-ce qui fait qu'on est capable d'en dater certains ? Il en est qui sont passés dans la mémoire collective. Hiver 56, j'y ai déjà fait allusion, balise dans la mémoire des ruraux de l'ouest, avant l'hiver 54, celui de l'abbé Pierre. (Un mort de froid, et toute la France se mobilise après son appel relayé par les ondes. Près de 60 ans plus tard, combien de morts de froid, et les ondes saturées de la pestilence brune qui hiérarchise les civilisations.) D'autres sont des souvenirs personnels : un blanc dimanche de fiançailles en décembre 70, des voitures bloquées par le gaz-oil gelé dans les réservoirs, début 85... Autres hivers oubliés, qui ont eu eux aussi leurs coups de froid, leurs jours de blanc. La neige des souvenirs fond comme celle du ciel. Voltaire encore pour conclure : Si la mémoire, nourrie et exercée, est la source de toute imagination, cette même mémoire surchargée la fait périr.